Je me souviens parfaitement de son premier message. J’étais au Château, à attendre que la journée shooting démarre. Elle me contacte via la page “séance photo pour accepter son corps” du blog. Elle se présente très clairement : jeune, artistique, androgyne, cherchant à se découvrir au travers de la photo. Elle a aimé les photos que j’ai faites de Sandra et elle ose tenter l’expérience d’une séance de photographie therapeutique. Sur les clichés qu’elle me joint pour se présenter physiquement, je ne vois pas le côté androgyne qui pourtant m’intéresse, je vois surtout la femme enfant, la fragilité et la douceur. Mais comme il n’y a pas de photo de nu, j’imagine alors que c’est de son corps que cela sortira, et non de son visage. Elle me parle du genre, qu’elle accepte son corps de femme, mais qu’elle ne se sent pas féminine à l’intérieur d’elle, ni dans son corps, bien que les autres le lui disent.
Elle m’interpelle donc forcément, moi qui ai découvert la notion de bigenralité et qui me sens bien avec cela. Elle me fait miroir. J’ai hâte de la découvrir, car je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui se disait homme à l’intérieur tout en acceptant son genre féminin. Au cours de notre entretien d’avant-séance, sur mon canapé autour d’une tisane, elle me répète cela, alors que je ne vois QUE la femme en elle. La féminité qui touche mon masculin justement, elle est de ces femmes dont j’aime m’occuper, et qui me semble aux antipodes de l’image que j’ai de moi. Elle a regardé mon objectif avec cet air candide et parfois provocateur. Elle est passée tour à tour de la femme-enfant à la femme fatale, en passant par son masculin. Elle est tout cela à la fois, mais surtout elle est.
Son témoignage sur la photographie therapeutique
“Je regarde à nouveau ces clichés quelques jours plus tard : je me réconcilie de plus en plus avec mon corps, mon visage, mes boutons, mon ventre qui a grossi, mes seins, mon nez, mes rides qui sont devenues plus visibles sous la lumière de ton studio, qui apparaissent de plus en plus autour de mes yeux à cause de la fatigue, des nuits blanches et juste des années qui passent de plus en plus vite ces derniers temps. En regardant ces photos non retouchées j’accepte de plus en plus mon corps en train de changer, en train de vieillir. Je le trouve beau, je le sens le mien. Maintenant en regardant ces images quelques jours plus tard, j’ose me dire “c’est moi”. C’est un début d’une grande victoire de réconciliation de moi-même avec l’image que je renvoie.
Je n’ai pas peur d’être nue, de me déshabiller. Je sais que mon corps peut plaire aux autres et parfois à moi-même, qu’il peut donner et recevoir du plaisir. Mais se déshabiller pour la première fois devant une nouvelle personne c’est un moment particulier, on ne le fait pas tous les jours (en tout cas pas la plupart de nous je pense). Ce n’est pas forcément que cela fait peur mais nous ne pouvons jamais savoir comment l’autre, cette nouvelle personne, va interagir avec notre corps, avec notre nudité.
C’est la première fois que je me suis déshabillée devant une femme (si on compte pas le contexte médical ou les vestiaires de salles de sport). Je n’avais pas d’attentes au début, je n’imaginais rien du tout, comme je te l’avais dit avant la séance. Me montrer nue devant la caméra n’était pas un défi particulier. Mais plutôt me montrer tout simplement devant la caméra – nue ou habillée peu importe, ne pas avoir peur de regarder dans l’appareil, cet œil noir et froid dont on ne sait jamais quoi attendre car il est plus puissant que l’œil humain, il capte ce que nous ne pouvons pas contrôler, ce que nous ne pouvons pas remarquer à cause de ou grâce à nos contraintes physiologiques. Et tu ne sais jamais à quel moment il va tirer, si tu seras prêt/e ou pas.
Tu as réussi à me faire dépasser cette peur (assez intime, liée à une période de ma vie). Cet œil mécanique tu l’as rendu chaleureux. Ton rire spontané, très sincère et inattendu quand tu venais de capter une image qui t’émerveillait, te rendait joyeuse – cela rendait cet échange de plus en plus chaleureux même si cela se passait toujours à travers un appareil noir en verre et plastique – mais il ne me faisait plus peur parce qu’il était entre tes mains. Quand tu riais et exprimais tes émotions très vives, je savais que c’était par rapport à moi mais pas par rapport à moi personnellement – plutôt par rapport aux images qui ont quelque chose en lien avec moi mais pas vraiment moi… des rayons lumineux qui sont passés par l’objectif et ont formé une image sur l’écran de l’appareil. Ces rayons lumineux formant des pixels et des lignes et des formes et des silhouettes confirmaient que j’étais là à ce moment-là et que c’était bien moi.
Je me déshabillais au fur et à mesure pendant la séance sans forcer les choses, sans me forcer, même si au tout début c’était gênant. Plus le temps passait, plus cela devenait naturel de me dévoiler devant toi et ton appareil. Cela devenait un jeu qui a commencé à me passionner. “Qu’est-ce que tu veux enlever ton haut ou ton bas ?” – tu me disais de façon légère et même coquine et ce n’était pas vraiment une question. Je n’avais pas de choix dans ce jeu, j’étais déjà impliquée et j’aimais le fait de ne plus avoir de choix ou plutôt de le ressentir ainsi, le jeu où j’étais prise dans un piège qui me plaisait, que je voulais explorer. Je dévoilais mon corps dans un état méditatif comme dans une danse en me dévoilant moi-même telle que je me ressens à l’intérieur de moi, en me montrant par mon corps – qui n’était plus la forme mais le contenu même, juste moi.
Plus tard, j’ai vu les photos. Sur les premières, je ne m’acceptais pas du tout, ce n’est pas moi, pas mon visage, pas mon corps. Sur certaines, je me suis plu mais pas plus que ça. Les dernières où j’étais complètement nue devant toi – littéralement et émotionnellement – m’ont émues : c’est exactement comme je me ressens de l’autre côté de ma peau, de l’intérieur, mais que personne ne l’avait vu… en tout cas je le pensais ainsi. Tu l’as vu ce côté, cette sensualité douce et sincère, même fragile. Tu l’as même prononcé avec tes mots qui sortaient spontanément quand tu voyais quelque chose sur l’écran qui t’impressionnait.
Je regarde à nouveau les photos. Je pense que maintenant je les aime toutes, je m’accepte sur toutes les images. Je vois cette fragilité qui se transmet par le regard, par le corps, sur les premières photos que je n’aimais pas au début. Maintenant, je comprends ce qu’elles ont : elles montrent la fragilité qui a peur de se montrer fragile et qui est vulnérable. Sur les dernières où j’étais toute nue sans avoir plus rien à cacher, c’est la fragilité qui s’assume de plus en plus, sans avoir peur d’être vulnérable. Se donnant au monde tel qu’il est, ce corps devient plus harmonieux.
Je te remercie pour cette découverte.
Madelaine”
Ma réflexion
Lors de nos échanges post-séance, nous allons convenir de ne dévoiler son visage au public que progressivement, comme pour rester fidèle à son chemin intérieur, celui qui l’a amené à s’accepter grâce à la photographie therapeutique. Et dire qu’elle a failli annuler la séance parce que sa nouvelle coupe de cheveux ne lui plaisait pas du tout. J’ai insisté, trouvant que ça lui allait bien. Et c’est sûrement cette coupe qui a permis aussi de voyager dans le temps : sur certains clichés, j’y ai retrouvé le style des photos dites érotiques du début du vingtième siècle. L’ondulation des cheveux et la rondeur de la chair. Et pourtant, je lui ai aussi montré son corps sec, flanc en tension, laissant apparaître les côtes saillantes.
Faire parler les corps, pour les laisser nous dire, voilà bien ma passion !
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