portrait femme derrière un appareil photo nue se faisant peindre par une autre femme 

Etreinte de l’âme et sensualité, premier tableau

Comme il était à prévoir, deux mois ont passé et le feu des échanges s’est estompé. Mais, l’envie de l’aventure est toujours très présente et forte pour moi. Il est des rendez-vous que l’on ne peut annuler, que l’on ne peut rater. Je le sens ainsi, parce que j’y pense souvent, à cette date fixée début septembre en pleine semaine. J’y pense avec curiosité de la rencontrer, elle et son lieu atypique, de me livrer à sa créativité et voir si l’alchimie sera au rendez-vous. Toutefois, un élément nouveau vient se greffer à l’aventure : j’ai rencontré un homme exclusif fin juillet et cette expérience le fragilise en quelques sortes. Il ne se permet pas de me demander d’annuler, mais pose ses propres limites de l’acceptable. Je n’ai pas grand chose à perdre mais je suis trop empathique pour ne pas tenir compte de son avis.

A mon arrivée, les limites sont posées

Je réserve mes billets de train mi-août, ce qui déclenche une petite prise de contact de confirmation, au cours de laquelle elle suggère l’ajout de pigment de terre servant comme d’un sable sur le sol, comme d’une poudre dans laquelle nos corps évolueraient. Je valide. Et nous n’échangerons pas au-delà par e-mail jusqu’au jour J. J’envoie un dernier message à mon chéri histoire de le rassurer en arrivant à la gare de Rennes, avant de retrouver mes hôtes, et je m’engouffre dans ces 24 heures artistiques, humaines et bretonnes sur le thème de la sensualité. J’avais oublié à quoi il ressemblait, et mal regardé les photos d’elle. C’est donc une surprise de les découvrir, aussi calmes et sereins l’un que l’autre. De mon côté, j’ai une mission : les informer clairement de ma situation sentimentale qui ne me laissera pas complètement libre de mes désirs. Un flot incroyable de mots se déverse de ma bouche pendant plus d’une heure sur le trajet qui nous mène en pleine campagne.

Je me trouve trop bavarde, mais au moins le nouveau décor est posé. Je sais mon expression ferme, histoire de lier le geste à la parole. Ils n’ont plus aucune marge de manœuvre, et de mon côté je suis rassurée. Je sens beaucoup de respect, d’écoute et d’empathie de leur côté. Ce que j’annonce donc ne semble poser aucun problème : il n’y aura pas d’intimité possible entre elle et moi, quand bien même l’envie serait présente. C’est très spontanément qu’il propose alors de rester habillé au cours de la séance de peinture, contrairement au projet de départ. Je suis touchée par ce geste pour lequel je lesremercie. Leur compréhension est douce à mon tourment. En effet, j’aime tenir parole, même si je sais pouvoir changer d’avis. Le projet me plaisait tel qu’il était à l’origine, et je me sens gênée de devoir y apporter des nuances.

Je découvre alors son atelier, installé dans une grange dont j’affectionne particulièrement l’ambiance, le bois ancien, la pierre, l’odeur de la campagne. La température est idéale, le soleil jouant à cache-cache avec les nuages. J’entrevois quelques toiles posées de-ci de-là, sans qu’il n’y ait d’ordre apparent. Je me rends alors compte que je n’ai pas vraiment été curieuse de son travail, j’ai l’impression de découvrir ce qu’elle fait. Ça a l’avantage de créer une vraie surprise chez moi, mais aussi un sentiment de culpabilité à la limite de la honte ! Je suis incontestablement attirée par l’expérience, que je décide de vivre instinctivement. L’exploration plus détaillée de son univers aurait peut-être déclenché des a priori, des craintes ou des fantasmes que je ne souhaite pas développer. Je viens donc vivre une expérience, et découvrir des humains avec mon ressenti sans le filtre du mental.

La séance artistique dans l’atelier

Une sorte de studio photo a été construit au milieu de la pièce, trois panneaux de bois peints en noir sur un parquet de bois brut, éclairé de belles lumières. C’est parfait ! C’est dans ce décor chaleureux et accueillant que nous allons passer les trois prochaines heures, coupés de tout, emportés dans notre univers créatif, notre cocon pour quelques heures. Un voyage à huis clos dans une bulle créée par nos trois énergies, ingrédient majeur à la réussite de notre dessein. Nous nous déshabillons toutes deux, simplement, tout en discutant des matières qu’elle a préparées. D’un côté, un grand chevalet sans toile, des pots de peinture tout neufs et des pinceaux, de l’autre un miroir sur pied. Je me place debout au milieu de la scène éclairée, pendant que le photographe ajuste également son matériel. Aucun de nous trois ne sait à ce moment-là comment démarrer, ce qui va se produire, mais tous semblent confiants.

Au cours des premières minutes où elle s’approche, une gêne est présente entre elle et moi. Je ne sais comment me positionner, elle m’en laisse le choix, elle ne sait pas elle-même. Elle me tourne autour. Va-t-elle me toucher pour me sentir ? Comme je le fais quand j’initie au shibari. Elle n’ose pas et je sens que j’ai à la mettre en confiance pour que la magie s’opère. Je m’introvertis, je ferme les yeux ; j’écarte légèrement les bras de mon corps debout, j’ouvre les mains et tourne mes paumes vers l’extérieur, comme pour l’accueillir. J’espère qu’elle reçoit mon symbole : je m’offre à elle. Elle le perçoit, j’en suis certaine quand elle saisit son pinceau et commence à parcourir mon bras, puis très vite mon dos d’une peinture blanche qui servira de fond.

La caresse du pinceau saisit instantanément mes pores, je frémis intérieurement et tente de faire transpirer la sensation sur mon visage. Aucune expression de souffle pour le moment. J’ouvre les yeux et aime ce que je découvre déjà sur mon bras. Je prends la pose, écoutant les déclenchements du photographe à chaque instant. J’aime sentir ses coups de pinceau et la voir évoluer devant sa création, aussi nue que moi. Elle est très rapidement inspirée, le dessin prend forme mais je ne le vois pas encore. Elle peint mon dos, suit les traits de l’esquisse de mon nouveau tatouage, cet arbre dont le symbole est si fort pour moi. Elle fait une pause, admire l’œuvre qui prend forme. C’est alors que je décide de bouger, moi qui suis restée jusque-là dans un immobilisme complet, ne sachant pas ce qu’il fallait faire ou ne pas faire.

La découverte de l’œuvre

Puis je me mets à danser lentement, dans des courbes que je veux sensuelles et esthétiques. L’enjeu est alors double pour moi : réussir de beaux clichés sous l’œil de notre très discret photographe et inspirer l’artiste pour qu’elle continue à faire naître son tableau sur mon corps. Elle s’exprime enfin : c’est la première fois qu’elle voit bouger une de ses œuvres ! Et pour cause, ce n’est pas tous les jours qu’elle dispose d’une toile vivante ! Je suis heureuse de la voir s’émerveiller devant ce que mon corps peut lui offrir. Cela semble lui plaire et l’inspirer. Elle va continuer encore un bon moment, ajoutant des touches, doutant parfois d’en faire trop, se rattrapant toujours. J’apprécie d’être maintenant allongée à même le bois du sol, et de la sentir si près de moi dans son inspiration. Je ne sais pas si ma sensualité est suffisamment au rendez-vous, mais quand je peux enfin admirer l’œuvre sur mon corps. Je prends seulement conscience qu’elle a peint une de ses toiles sur ma peau. Je suis une toile vivante ! Cette pensée devient sur un instant complètement dingue !

J’adore ce qu’elle a fait de mon tissu corporel. J’admire l’œuvre dans le miroir, complètement aspiré par cette contemplation que l’œil de notre photographe capture toujours intensément. J’invite la peintre à me rejoindre, pour contempler sa création, la percevoir au plus près, la sentir s’épanouir et vivre. Nous posons, l’artiste et son œuvre, amusés tous trois de cette nouvelle osmose. La séance prend fin, il est temps de reprendre des forces. Pendant qu’elle prépare le repas bien mérité, nous continuons à prendre des clichés devant le bleu de ses portes et volets, si harmonieux avec celui de mon nouvel habit de peau. Je suis si fière de le revêtir. Le repas est ponctué de nos commentaires tous les plus élogieux les uns que les autres, pas encore complètement conscients de ce que nous venons de vivre et de créer. Il faudra attendre la découverte des clichés pour cela.

De l’autre côté de notre bulle artistique, le monde s’agite pleinement. Je découvre la “fulltitude” des notifications sur mon écran de téléphone trois heures après la bataille. Ça s’agite au bureau, mais ça s’agite aussi pour mon chéri. Il a tenté de me joindre, ne comprend pas mon silence, perd confiance, se débat sur les réseaux sociaux, crée un sondage, panique quoi ! Je tente de le rassurer en vain, lui expliquant que tout se passe très bien, comme il était prévu. J’aurais alors tellement aimé un retour positif, comme “Tant mieux, je suis heureux si tout se passe bien pour toi, comme tu le désires”. Mais non, je n’y aurai pas encore le droit, pas cette fois-ci. A la place, j’aurai une forme de harcèlement qui ne s’arrêtera que le lendemain, et encore. Je suis face à une incompréhension, je décide de ne pas être influencée par ses doutes. Un exercice somme toute très difficile pour moi, mais que l’intensité de cette situation particulière va me permettre de vivre.

En belle compagnie, notre trio évoluera bientôt

Nous décidons de profiter d’une belle éclaircie de fin d’après-midi pour faire de nouveaux clichés dans le jardin. La limite que j’ai posée à mon arrivée l’empêche sûrement d’être plus tactile avec moi. Je prends donc l’initiative de quelques poses en duo qui rapprochent nos peaux, nous effleurant subtilement. C’est ainsi que nous réussiront de beaux tableaux, nos corps étant étonnamment harmonieux et pourtant assez différents. La soirée sera occupée à découvrir ensemble les quelques 1.700 photos prises au cours de la journée. Au lendemain, il m’écrira : “Je tenais à te dire combien ces deux journées partagées chez Io Illy m’ont enchantées. J’ai tout aimé, en bloc, la création, la peinture, l’engagement de chacun d’entre nous dans cette aventure, la très belle et sereine sensualité, la tendresse qui a baigné quelques regards et quelques gestes, les images qui en sont nées, les fous rires et la complicité qui nous a fait, de manière étonnante, nous retrouver comme de vieux amis ! Je voulais donc te dire un immense merci pour avoir accepté de monter dans cette barque et d’y avoir apporté ton grain de sel, ton grain de folie et d’avoir permis que cette rencontre totalement improbable soit ce qu’elle a été.”

Ces mots à elle, sélectionnés parmi tant d’autres : “J’aime quand l’émotion s’empare de manière noble et humaine de l’âme, lorsqu’il y a création et sensualité, cela m’envoûte. Jamais sur mon chemin créatif, je n’ai eu autant de plaisir, de saveur, de frissons, de volupté, dans la pleine sérénité. De savourer la sensualité qui se dégageait de nous trois, a été un moment de jouissance, et pas d’orgasme, ce que j’aimerai pouvoir savourer une prochaine fois…”. Cette première séance n’est donc pas l’aboutissement d’un projet, mais bien le début d’une aventure qu’elle a d’ors et déjà envie de perpétuer avec moi. Elle désire approfondir ce qu’elle avait à dire dans cette première fois. C’est sur ce thème que nos prochains échanges virtuels vont se porter.

La suite ici…